Le Louxor : 100 ans d'aventures

Le saviez-vous ?

Mise à jour le 06/10/2021

Le 6 octobre 2021, le Louxor fête son centenaire. Cent années au cours desquelles ce cinéma mythique du Nord-Est de Paris, avec son architecture égyptienne emblématique, a vécu (presque) une centaine d'aventures.

La folle idée d’Henri Silberberg

Henri Silberberg, homme d’affaires, assiste à la naissance de l’industrie cinématographique avec la première projection payante en 1895, par les frères Lumière. Vingt ans plus tard, l'ancien directeur de casino saisit l’occasion de contribuer au septième art et acquiert un immeuble haussmannien, à l’angle du boulevard de Magenta et du boulevard de la Chapelle, qui abrite alors un magasin et des logements.
Après la destruction des lieux, les travaux débutent l’année suivante, sous la direction de l’architecte turc Henri Zipcy. Le Louxor devient l’une des premières salles parisiennes de cinéma, et l'une des seules à avoir été construite spécialement pour la projection de films. Le bâtiment, édifié en moins de dix-huit mois, ouvre ses portes au public le 6 octobre 1921.

Un temple égyptien dans les rues de Paris

Lotus en mosaïque, hiéroglyphes et colonnes aux allures de papyrus… Construit en 1920, le cinéma Le Louxor a tout d’un temple égyptien, jusqu’à son nom, qu’il tient de la ville qui borde le Nil, au sud du pays des pharaons. Ses décors puisent leurs inspirations dans l’Art déco et les arts égyptiens. Cette tendance s’empare de la France des années 1920, et se renforce lors de la découverte du tombeau de Toutânkhamon, en 1922.
Seul cinéma de ce style dans tout l’Hexagone, il possède une grande salle de 1 140 places, célébrée à l’époque dans la presse pour son confort et son luxe. Elle porte aujourd’hui le nom de Youssef Chahine, réalisateur égyptien engagé et à la renommée internationale.

Un monument historique

Un mois et demi après son inauguration, en 1921, Henri Silberberg fait faillite et décède, entraînant la vente des lieux. Pour survivre, ce lieu de culture emblématique est racheté de nombreuses fois. C’est l’entreprise Pathé qui l'acquiert, en 1929. L’industriel entreprend de grands travaux et fait disparaître les décors d’origine. La salle de projection d’Art et Essai change de ton, avec une programmation de films d’autres genres, comme des films d’action. La crise des années 1960 entraîne l’augmentation du prix des tickets de cinéma. Le 5 octobre 1981, le cinéma est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, le protégeant d’une éventuelle destruction.

La fin des cinémas du quartier Barbès

Dans la période d'après-guerre, le cinéma connaît son âge d'or et des taux de fréquentation records, d'où l'importante présence des salles de projection dans le secteur. Le Louxor peut accueillir 1195 spectateurs, tandis que son voisin, le Barbès Palace, en possède 1200. Le cinéma se popularise, on y va en famille ou entre amis, dans les salles de quartier.
Mais, comme de nombreux établissements, « le Palais du cinéma » a connu sa « dernière séance ». Après soixante-deux années de projection, des films muets aux parlants, du noir et blanc à la couleur, il ferme en 1983. Autour de lui, les salles adjacentes sont démolies, ou se transforment pour devenir des restaurants, supermarchés ou salles de concert. Au croisement entre les trois arrondissements (9e, 10e, et 18e), le placement stratégique du bâtiment lui permet de conserver son rayonnement culturel dans le quartier.

Une discothèque antillaise, une boîte gay…

Faute d’entrées, « le Palais du cinéma » est déclaré en cessation d’activité et ferme ses portes le 30 novembre 1983. À partir de 1986, le bâtiment se transforme successivement en deux boîtes de nuit : la première est La Dérobade, une discothèque antillaise, tandis que la seconde est appelée Megatown, une boîte gay.
En 1989, il est laissé à l'abandon à la suite de ses reconversions manquées. Vingt ans après sa fermeture officielle, des associations de riverains se mobilisent pour sauver le cinéma.

Rendu au septième art

Après de longues discussions, la Ville de Paris acquiert le cinéma le 25 juillet 2003. La décision est prise : le Louxor doit converser sa fonction initiale. Dix ans après, dont trois années d’importants travaux, l’inauguration du cinéma a lieu le 17 avril 2013. La réhabilitation des lieux va plus loin, avec la création de deux nouvelles salles de cinéma en sous-sol (de 140 et de 74 places). Ce chantier colossal, mené par l’architecte Philippe Pumain, a permis la restitution des décors et de la façade. Le bâtiment retrouve enfin son apparence originelle.
Ce renouveau doit aussi beaucoup aux associations de quartier, Les Amis du Louxor et Paris Louxor, qui ont milité pour préserver ce patrimoine parisien. Laurent Laborie, le président de Paris Louxor, revient sur l'origine de cette renaissance, bien avant sa réouverture :
« Nous avons commencé par expliquer et partager notre projet en vidéos sur les réseaux sociaux, en vue de constituer une communauté… Puis nous avons lancé un site collaboratif, lieu d’échange au sein duquel les habitants furent invités à contribuer. Entretiens, reportages, portraits, récits, vidéos, visites de chantier, toutes choses permettant de créer du lien, social, générationnel, culturel à l’occasion de cette réhabilitation ».

Le cercle des centenaires : un club très select

Il n’y a que peu de cinémas qui ont l’occasion de souffler leurs cent bougies ! Le Louxor a la chance de rejoindre le cercle très select des cinémas historiques centenaires, comme le Max Linder Panorama dans le 9e, le Castillet de Perpignan, ou le Concorde de Nantes, et sera d'ici une dizaine d'années suivi par le Grand Rex. Il continue à attirer les foules, avec 2 millions de spectateurs entre 2013 et 2021.
Dans le cadre des manifestations organisées à l'occasion du centenaire, l'association Paris Louxor accompagne le travail de la photographe Karen Assayag (portraits de spectateurs du Louxor intitulé « Mon cinéma intime », projetés en avant-séance). Vous pouvez par ailleurs découvrir sur paris-louxor.fr et www.paris-louxor.fr/cinemasdeparis des articles relatifs à l'histoire du cinéma.

Par ailleurs, l'association accompagne un projet d’actions culturelles soutenu par la DRAC dans le cadre du dispositif « Culture et lien social ». Mise en œuvre par l’Institut des cultures d’Islam (ICI) en collaboration avec le Café social, le projet s’articule autour de la pratique de la photographie et du film documentaire, avec la réalisatrice Marie de Busscher et la participation du photographe Stephan Zaubitzer.

Enfin, l'association anime une visite à la recherche des traces des salles de cinéma dans le tissu urbain Barbès-Goutte d’Or pour les personnes âgées fréquentant le Café Social (Dejean).