Prison Saint-Lazare : une demi-dizaine de détenus célèbres du 10e

Le saviez-vous ?
Mise à jour le 22/08/2022
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Aujourd'hui on y profite de la verdure du jardin Alban Satragne ou on se plonge dans les collections de la médiathèque Françoise Sagan. Mais le carré Saint-Lazare conserve une histoire bien plus sombre…

L'enclos Saint-Lazare : de léproserie à prison

Au Moyen-Âge, l'enclos des missionnaires de Saint-Lazare est d'abord une léproserie, séparée du reste de la ville par des murs d'enceinte. Il s'agissait d'un véritable village avec des bâtiments pour confiner les malades, mais aussi des édifices religieux, un moulin, une ferme, et même une foire.
En 1632, la lèpre n'est plus une menace, et un prêtre, Vincent de Paul, y installe sa congrégation religieuse. Déjà à cette époque, Saint-Lazare abrite une "prison des fils des famille", vouée à redresser les enfants indisciplinés de parents fortunés.
Mais la véritable transformation a lieu sous la Révolution : l'ordre des Lazaristes est dispersé et, en 1794, Saint-Lazare devient officiellement une prison.
Pendant la Terreur, ce lieu de détention connaît sa période la plus macabre : il est au cœur de la "conspiration des prisons", un plan concerté pour éliminer physiquement de très nombreux prisonniers : en à peine trois mois, le bilan est de 165 exécutions pour la seule prison Saint-Lazare.
Après la Révolution, les choses ne s'améliorent guère… Saint-Lazare est transformée en "hôpital-prison" pour femmes. On y enferme principalement des prostituées, mais aussi des filles considérées comme "moralement corrompues" ou incarcérées par voie de "correction paternelle". En 1857, la prison compte 1300 détenues environ, dont au moins 33 mineures.
Pendant toutes son histoire, la prison Saint-Lazare a vu défiler de nombreuses personnalités devenues célèbres…
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Les célébrités emprisonnées à Saint-Lazare

Le poète André Chénier

Né en 1762 à Constantinople, André Chénier fut poète et journaliste. Sa poésie comprend des réécritures de poèmes antiques, des élégies, des poèmes philosophiques et politiques marqués par le contexte révolutionnaire. L'œuvre inachevée de ce jeune poète est aujourd'hui publiée dans le prestigieux catalogue de la Pléiade, faisant de lui une figure majeure de l’hellénisme français et un inspirateur du romantisme.
Initialement admirateur et partisan de la Révolution, il commence à critiquer violemment le jacobinisme guidé par Robespierre. Dès 1791, il débute une intense collaboration avec le Journal de Paris en tant que journaliste : il condamne publiquement la Terreur et ses chefs. Cette prise de position lui coûte cher : en mars 1794 il est enfermé dans la prison Saint-Lazare, dont il ne sortira que pour monter sur l'échafaud, où il sera guillotiné le 25 juillet de la même année.
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Le marquis de Sade

Libertin implacable, écrivain, philosophe et homme de lettres de célébrité mondiale, le marquis de Sade (1740-1814), de son nom complet Donatien Alphonse François de Sade, a lui aussi séjourné à la prison Saint-Lazare de janvier à mars 1794.
Protagoniste de nombreux scandales et renommé pour ses œuvres clandestines imprégnées d'érotisme et de violence, le marquis de Sade a été détenu sous tous les régimes politiques : au total, il a passé 27 ans de sa vie derrière les barreaux !
Son court séjour à Saint-Lazare est, quant à lui, dû à une dispute entre le marquis et Robespierre en personne : après avoir milité aux côtés de ce-dernier au début de la Révolution, Sade tient, à partir de 1793, un discours provocateur invitant à l'abandon des "illusions religieuses". Une semaine plus tard, Robespierre, qui détestait l'athéisme, répond par son Discours pour la liberté des cultes devant le club des Jacobins et affirme : « Nous déjouerons dans leurs marches contre-révolutionnaires ces hommes qui n'ont eu d'autre mérite que celui de se parer d'un zèle anti-religieux… Oui, tous ces hommes faux sont criminels, et nous les punirons malgré leur apparent patriotisme ». C'est une menace directe au marquis de Sade, qui sera incarcéré et condamné à mort, et qui n'échappera à l'échafaud que grâce à la chute de Robespierre.
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L'espionne Mata Hari

Margaretha Geertruida Zelle, connue sous son pseudonyme de Mata Hari, est née en 1876 aux Pays-Bas. Elle arrive à Paris en 1903, après avoir divorcé de son premier mari. Pour subvenir à ses besoins, elle devient courtisane dans les salons de la Belle Époque. C'est pendant l'une de ces soirées qu'elle est invitée à s'exhiber comme danseuse exotique : son charme et sa sensualité séduisent le public et la carrière de Mata Hari est lancée.
Attirée par les hommes de pouvoir, Mata Hari ne dédaigne pas les militaires. Parmi ses nombreux admirateurs et amants figurent ainsi un lieutenant allemand avec lequel elle passe plusieurs mois à Berlin, et un capitaine russe au service de la France, qu'elle fréquente en pleine guerre, en 1916.
Très vite, ses fréquentations attirent l'attention des services du contre-espionnage français, qui lui proposent d'exploiter son charme, sa nationalité et sa connaissance des langues pour lutter contre l'Allemagne. Elle se trouve ainsi plongée dans une guerre entre les services secrets français et allemands et, dans des circonstances jamais pleinement éclairées, finit par être arrêtée et transférée à la prison Saint-Lazare. Après une enquête sommaire principalement axée sur l'ancienne relation de Mata Hari avec le lieutenant allemand, elle est accusée et condamnée à mort pour haute-trahison. Elle sera fusillée le 15 octobre 1917, à Vincennes.
Sa vie rocambolesque, les intrigues et la personnalité sensuelle et séduisante de Mata Hari ont donné lieu à de nombreux films et biographies qui ne cessent de charmer le public.
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La communarde féministe Louise Michel

Dans l'imaginaire collectif, Louise Michel (1830-1905) demeure l'une des figures emblématiques du militantisme révolutionnaire, de l'anarchisme et du féminisme.
Débarquée à Paris en 1856 de sa Haute-Marne natale, elle devient institutrice dans une école de la rue du Château d'Eau. Son activité d'enseignement ne l'empêche pas de se consacrer à ses autres vocations, notamment l'écriture et l'engagement politique. Elle écrit de nombreux poèmes sous le pseudonyme d'Enjolras, et débute une correspondance avec Victor Hugo, qui lui dédiera le poème Viro Major et qui ne cessera de la soutenir pendant sa déportation.
De plus en plus proche des idées anarchistes et féministes, Louise Michel n'hésite pas à prendre les armes dès les débuts de l'insurrection de 1871. Militante radicale, elle devient la figure majeure de la Commune de Paris, durant laquelle elle s'implique aussi bien politiquement que militairement.
À cause de son activisme fervent, elle est condamnée et déportée en Nouvelle-Calédonie en 1873. Dans cette colonie pénitentiaire, elle poursuit son travail d'écrivaine et d'enseignante. Après neuf ans d'exil, Louise Michel revient à Paris, où elle est accueillie sous les applaudissements des ouvriers. Infatigable, elle renoue avec le militantisme anarchiste jusqu'en 1883, date à laquelle elle est arrêtée et transférée à Saint-Lazare. Elle n'y passera que quelques mois, avant d'être déplacée de prison en prison. Malgré ses nombreuses arrestations et une tentative d'assassinat, Louise Michel poursuivra son activisme en faveur des droits des femmes et des ouvriers jusqu'à sa mort, en 1905.
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Marthe Hanau, la banquière des années folles

Née en 1886 dans une famille juive, adolescente rebelle, Marthe Hanau entre en conflit avec sa mère en refusant de se conformer aux bonnes mœurs auxquelles étaient soumises les femmes de l'époque. Les contrastes s'exacerbent lorsque sa mère s'oppose à l'homosexualité de Marthe. En 1906, celle-ci finit par consentir à un mariage arrangé avec un riche homme d'affaire, mais ça ne l'empêche pas d'entretenir une liaison avec la fille d'un bijoutier.
Petit à petit, grâce aux relations de son mari, Marthe Hanau s'intègre au monde de la finance, à l'époque dominé par les hommes. Et Marthe a le sens des affaires ! En 1925, elle lance La Gazette du Franc, un journal d'information et d'économie politique. La même année, elle fonde également une banque. En 1927, elle ouvre la Société des Exploitations Foncières, une véritable escroquerie fondée sur le système de Ponzi, par lequel elle s'enrichit rapidement (170 millions de francs). C'est à ce moment-là qu'elle gagne son surnom de "banquière des Années folles". Connue du Tout Paris, elle fréquente Picasso, Cocteau, et de nombreux artistes et hommes d'affaires.
Mais un système pyramidal ne perdure jamais longtemps : vers la fin de 1928, le scandale éclate. Un ancien éditeur de la Gazette, pour se venger de son licenciement, commence à publier des articles sur les montages financiers de Marthe Hanau. Une enquête est ouverte et, en décembre 1928, elle est condamnée pour escroquerie et abus de confiance. Elle est incarcérée à Saint-Lazare.
En 1930, elle regagne la liberté contre une caution de 800 000 francs, et reprend sa carrière à la Banque d'Union Publique. Mais elle est à nouveau condamnée pour insultes à magistrats et vol de documents dans le cadre d'un autre scandale. Elle se suicidera le 14 juillet 1935 à la prison de Fresnes.
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