Le saviez-vous ?

Une demi-dizaine de lieux disparus du 10e

Mise à jour le 28/01/2021
Rien ne se perd, rien ne se gagne, tout se transforme… Petite plongée dans le 10e d'antan, à travers une demi-dizaine de monuments disparus ou métamorphosés de notre arrondissement.

Le plus sinistre : le gibet de Montfaucon

Au XIe siècle, pour marquer leur pouvoir de justice, les rois de France décident d'établir à l'écart de leur capitale, sur la butte de Montfaucon, une structure sinistre : des fourches patibulaires.
Près de l'actuelle place du Colonel Fabien (à l'emplacement du square Amadou Hampaté-Bâ), ce gibet deviendra à partir du XIVe siècle une gigantesque potence quadrangulaire, en pierres, à deux étages, mesurant plus de 15 mètres de haut.
Parmi les plus célèbres exécutions qui ont eu lieu à Montfaucon, on trouve :
  • le chancelier du roi Philippe le Bel, Enguerrand de Marigny (pendu en 1315) en pleine période des "rois maudits" ;
  • Laurent Garnier (pendu en 1474), qui avait tué un collecteur d'impôts, et dont le frère organisera deux ans plus tard une grande cérémonie funèbre pour faire croire que celui-ci était mort naturellement et sans déshonneur ;
  • l'amiral de Coligny, tué lors de la Saint-Barthélémy (1572) dont le corps sera pendu par les pieds après avoir été traîné dans les rues de Paris.
Le gibet de Montfaucon servira jusque sous le règne de Louis XIII, et ne sera finalement démolie qu'en 1760. On peut se faire une idée de l'allure terrible de cette structure, qui impressionne les Parisiens, en regardant attentivement plusieurs enluminures médiévales.
Quant à la butte Montfaucon, elle est devenue la Grange-aux-Belles, et aux fourches patibulaires, on préfère le nouveau terrain de sport tout bleu qui a ouvert à l'été 2020 !
On distingue le gibet de Montfaucon à l'arrière-plan, dans cette enluminure du XVe siècle.
Crédit photo : Grandes Chroniques de France – Bibliothèque Nationale de France

Le plus changeant : l'enclos Saint-Lazare

Léproserie, congrégation religieuse, foire, prison, hôpital… l'enclos Saint-Lazare a connu plusieurs vies.
Au Moyen-Âge, Paris est parsemé d'enclos, c'est-à-dire de vastes propriétés ceintes de murs. Celui des missionnaires de Saint-Lazare est d'abord une léproserie. En plus des bâtiments pour confiner les malades et des édifices religieux, on y trouvait un moulin, une ferme, et très vite, on y installe même une foire.
En 1632, la lèpre n'est plus une menace, et un prêtre, Vincent de Paul, y installe sa congrégation. En plus d'un séminaire, les religieux (qu'on appelle les Lazaristes) se vouent aux enfants trouvés, aux personnes âgées, aux malades… Ils font aussi du commerce, de la location d'immeubles (comme ceux des numéros 99 à 105 de la rue du faubourg Saint-Denis), et même de l'accueil de "pensionnaires". Dès 1646, Saint-Lazare devient en effet la "prison des fils de famille" : les parents fortunés envoient leurs enfants peu disciplinés faire un séjour à la maison Saint-Lazare.
La Révolution disperse les Lazaristes et, en 1794, on transforme pour de bon Saint-Lazare en prison. La Terreur voit de nombreuses personnalités y défiler : le poète André Chénier, le peintre Hubert Robert, ou encore le marquis de Sade. Et l'histoire de la prison ne s'arrête pas là : après la Révolution, on la transforme en "hôpital-prison" pour femmes. On y enfermait principalement des "filles publiques", mais pas seulement. Passent ainsi à Saint-Lazare la communarde Louise Michel, l'anarchiste Germaine Berton, l'espionne Mata Hari, la banquière Marthe Hanau…
Dans les années 30, la prison est démolie, et les bâtiments restant deviennent une maison de santé. Ils continuent d'accueillir des femmes jusque dans les années 50, époque à laquelle on utilise Saint-Lazare comme une annexe de Lariboisière. Mais il faudra attendre 1975, l'année internationale de la Femme, pour que Saint-Lazare ferme le service où les femmes prostituées étaient conduites après avoir été arrêtées… Lorsque l'hôpital ferme en 1998, il n'y avait plus que 55 lits.
Commence alors un vaste programme municipal de réhabilitation de ce site : on y construit successivement une école maternelle (2006), une crèche et un centre social (2009), un gymnase (2013), une médiathèque (2015), et on y agrandit le square occupant l'espace de l'ancienne prison (2020).
L'ancienne prison Saint-Lazare, vers 1900, à l'emplacement de l'actuel square Alban Satragne.

Le plus mobile : la première gare du Nord

La question des dimensions et de la modernisation de la gare du Nord, c'est un débat aussi vieux que la gare du Nord elle-même !
Apparu à Paris en 1837, le chemin de fer se développe très rapidement dans la capitale : embarcadère de l'Europe (gare Saint-Lazare, 1837), embarcadère du Maine (gare Montparnasse, 1840), embarcadère d'Orléans (gare d'Austerlitz, 1840)… Dès 1842, on se décide à ouvrir une ligne vers le Nord du pays.
La Compagnie des Chemins de Fer du Nord lance alors la construction d'un "embarcadère", sur les plans de l'architecte Léonce Reynaud, et le bâtiment est ouvert au public en 1846. On peut désormais se rendre par voie ferrée à Pontoise, Arras, Lille, Valenciennes… Mais l'architecte n'a pas anticipé le succès du train… Seulement deux voies ont été prévues, et dès 1847, l'édifice est jugé trop petit.
Il faut cependant une vingtaine d'années pour que le grand projet de l'architecte Jacques-Ignace Hittorff voit le jour. Entre 1861 et 1866, la nouvelle gare sera en travaux, même si elle a été mise en service dès 1864.
Quant à la première gare, qu'est-elle devenue ? Elle n'a pas été entièrement détruite, mais pour la voir, il faut prendre le train ! Le bâtiment de Léonce Reynaud a été démonté, et sa façade principale est devenue celle de la gare de Lille-Flandres !
La première gare du Nord parisienne, dont la façade est aujourd'hui celle de la gare de Lille-Flandres.

Le plus renouvelé : le marché Saint-Martin

L'histoire du marché Saint-Martin, c'est celle d'une institution maraîchère qui se déplace et se transforme tout le temps, et qui nous emmène même en lisière du 10e.
Le premier marché Saint-Martin, établi en 1765, n'était en effet pas dans notre arrondissement, mais un peu plus au Sud, sur les terrains du prieuré Saint-Martin (l'actuel musée des Arts et Métiers). Entre 1811 et 1816, il est démoli et reconstruit quelques encablures plus au Nord (mais toujours pas dans notre 10e). Il s'agissait alors de deux grands bâtiments tout en longueur, encadrant une vaste cour arborée et dotée d'une fontaine au centre. Un grand marché qui sera à son tour démoli en 1878, pour laisser place au Conservatoire national des Arts et Métiers.
Entre-temps, Napoléon III et le préfet Haussmann sont passés par là. Les grandes percées à travers Paris, ont vu celle du nouveau boulevard de Strasbourg, qui a conduit à la démolition du marché Saint-Laurent (reconstruit en 1866 sous le nom de marché Saint-Quentin). Une nouvelle halle est alors créée entre la rue du Château d'Eau et la rue de Bondy (l'actuelle rue René Boulanger).
Édifié en 1854, ce marché (renommé par la suite Saint-Martin), relevait de la prouesse : sa façade principale était entièrement en verre, lui donnant l'allure d'une immense serre. Mais le bâtiment n'est pas très solide : à l'hiver 1879, le poids de la neige fait céder la verrière. On le reconstruit à nouveau, mais ce nouvel édifice disparaîtra à son tour entre 1987 et 1989, pour être remplacé par le marché et l'immeuble que nous connaissons. Seules les portes en pierre ont survécu.
Aujourd'hui, au marché Saint-Martin, en plus d'excellents produits, on trouve l'une des premières collecte de déchets alimentaires du 10e ! Une nouveauté de la rentrée 2020 !
La façade sur la rue du Château d'Eau du marché Saint-Martin, vers 1854.

Le plus festif : la première Scala

En 1873, la Scala est l'un des plus célèbres et des plus beaux cafés-concerts du Paris de la Belle Époque. C'est un grand théâtre à l'italienne, avec pas moins de trois balcons, un grand parterre de 1 400 places et une immense coupole de verre s'ouvrant sur le ciel.
Rapidement, elle devient l'une des salles les plus élégantes de Paris. Pendant près de quarante ans, de grands noms vont s'y faire connaître, comme Mistinguett, ou les chanteuses Yvette Guilbert, Fréhel ou Damia.
La Première Guerre mondiale voit la fermeture de la salle et, changements de mode obligent, la Scala se transforme en théâtre de boulevard. Mais la crise économique du début des années 1930 oblige la salle à s'engager dans une mue plus profonde.
En 1936, la Scala est reconvertie en cinéma art déco. Le théâtre à l'italienne est détruit pour faire place à un grand balcon de béton, à un écran panoramique et à une acoustique moderne. Pendant trente ans, la Scala présente les meilleurs réalisateurs : Jacques Tati, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard… Mais les années 1970 entraînent le déclin de la salle, qui devient le premier multiplex parisien à diffuser des films… érotiques. La survie du cinéma est cependant difficile, et il ferme ses portes en 1999.
Au bout de plusieurs années, grâce à la mobilisation des artistes et de la municipalité, la destination du lieu est alors classée par la Ville de Paris. La Scala devra demeurer un lieu de culture pour les Parisiennes et les Parisiens. La réhabilitation est menée, et son rideau se lève sur un nouveau lieu en 2018.
Le concert de la Scala, au début du siècle.

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