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Un peu d'histoire : (re)découvrir le 10e

Mise à jour le 06/02/2020
Même s'il n'existe officiellement que depuis 1860, le 10e a une longue histoire derrière lui. Marécages asséchés puis canalisés, vocation hospitalière ancienne, essor de l'industrie, de l'artisanat et du rail… retour sur l'histoire millénaire de notre arrondissement.

Remonter aux origines

L'histoire de l'actuel 10e arrondissement, c'est d'abord celle d'un territoire marécageux qui n'invitait pas les populations des alentours de Lutèce à venir s'y installer. Pourtant, ce coin de campagne va assez vite être promis à un autre avenir, lorsque les Romains décident d'y établir deux voies menant hors de Lutèce :
  • la première est celle qui menait vers l'actuelle ville de Beauvais (Caesasoromagus) : c'est l'ancêtre de notre rue du faubourg Saint-Denis ;
  • la deuxième est celle qui conduisait vers l'actuelle ville de Saint-Denis (Catolacus) : l'ancêtre de notre rue du faubourg Saint-Martin.
Parce qu'il est situé à l'extérieur de la cité parisienne, hors des remparts, le territoire du 10e va par la suite assister au développement de plusieurs institutions qui nécessitent d'être tenues à l'écart de la ville : communautés religieuses, établissements médicaux, lieu d'exécution…

Hors les murs

Les institutions religieuses et médicales se développent très tôt. Dès le VIe siècle, les marécages sont asséchés et cultivés, avec la fondation d'un monastère qui deviendra l'église Saint-Laurent.
Quelques centaines d'années plus tard, au XIe siècle, ce sont les rois de France qui décident d'établir à l'écart de leur capitale, sur la butte de Montfaucon, une structure sinistre pour marquer leur pouvoir de justice : des fourches patibulaires. Près de l'actuelle place du Colonel Fabien (à l'emplacement du square Amadou Hampaté-Bâ), ce gibet deviendra à partir du XIVe siècle une gigantesque potence quadrangulaire, en pierres, à deux étages, mesurant plus de 15 mètres de haut. Elle servira jusque sous le règne de Louis XIII, et ne sera finalement démolie qu'en 1760. On peut se faire une idée de l'allure terrible du gibet de Montfaucon, qui impressionne les Parisiens, en regardant attentivement plusieurs enluminures médiévales.
Entre-temps au début du XIIe siècle, c'est au tour d'une léproserie de s’installer sur la route de Saint-Denis. À ses coté s’étendaient de vastes champs et une ferme permettant de subvenir aux besoins des malades, qui s'agrandira progressivement jusqu’à devenir le plus étendu des enclos de Paris : l'enclos Saint-Lazare.
Au début du XIIIe siècle, une nouvelle communauté religieuse s'installe, entre les actuelles rues du faubourg Poissonnière et du faubourg Saint-Denis : le prieuré royal des Filles-Dieu.

La croissance de Paris oblige également à se préoccuper de son hygiène. À partir du XVIe siècle, le fossé qui longe les remparts du côté des faubourgs est utilisé pour le passage du Grand Égout. Il s'agit en fait du ruisseau de Ménilmontant, qui a été canalisé dans les fossés, et qui décrit donc une boucle autour des limites de la ville, jusque vers la Seine.
Même si la vie s'installe peu à peu dans ce bout de campagne, ce qui deviendra le 10e est encore à l'extérieur des murs au début du XVIIe siècle. La vocation hospitalière du territoire ne disparaît donc pas. Ainsi, en 1607, à la suite de graves épidémies, Henri IV décide de créer l'hôpital Saint-Louis. Il s’agit initialement d'un établissement intermittent, seulement utilisé en période de crise, pour mettre en quarantaine les malades contagieux de Paris.
Pourtant, à la même époque, l'hôpital Saint-Lazare décline. Le recul de la lèpre l'a rendu quasi-obsolète et, à partir de 1633, Vincent de Paul (1581-1660) s'y installe pour en faire le siège de la mission qu’il vient de fonder : la Congrégation de la Mission. Les religieux qui l'y suivent prennent le nom de Lazaristes, en référence à l'enclos Saint-Lazare.
Ainsi, pendant plusieurs siècles, le territoire de l'actuel 10e arrondissement est-il un secteur où l'on installe ce que l'on souhaite éloigner de la ville. Mais le développement de Paris va changer les choses.

Croissance des faubourgs

Dès le XIVe siècle, de nombreux artisans, jardiniers, maraîchers, vignerons ont commencé à quitter Paris : c'est la naissance des faubourgs, ces petits villages suburbains situés aux portes de Paris, comme le faubourg du Temple, le faubourg Saint-Martin, le faubourg Saint-Denis ou le faubourg Poissonnière, dont les noms ont traversé les siècles et sont aujourd'hui rappelés dans les rues homonymes.
Ces faubourgs se développent progressivement et la ville s'étend de plus en plus hors des murs. Si bien qu'en 1670, Louis XIV décide de montrer à l'Europe que sa capitale n'a plus besoin d'être défendue : il fait raser les remparts. Les corps de garde médiévaux sont remplacés par des arcs de triomphe à l'antique, à l'image des monumentales portes Saint-Martin et Saint-Denis. Sur l'emplacement des murailles apparaîtra bientôt (entre 1704 et 1705) le "Nouveau Cours", une large promenades plantée d'arbres. Elle gardera cependant son nom militaire de "boulevards", qui désignait auparavant le chemin de ronde.
Le percement de ces boulevards, ainsi que l'assainissement du quartier par le réaménagement du Grand Égout (1737-1740) fait du sud de l'actuel 10e arrondissement un secteur en plein essor : de nombreux théâtres s'installent dès cette époque autour de la porte Saint-Martin, tradition qui perdure de nos jours.
Le faubourg Poissonnière s’urbanise très vite et devient un des quartiers prisés par les riches Parisiens qui y font construire leurs hôtels particuliers. Quelques-uns subsistent aujourd'hui comme l’hôtel Benoît de Sainte-Paulle (rue du faubourg Poissonnière), l’hôtel Bourienne (rue d'Hauteville), ou l’hôtel Botherel de Quintin (rue des Petites Écuries)…
Cette croissance aboutit à ce que, dans les années 1780, le futur 10e entre pleinement dans Paris, par la construction du mur des Fermiers Généraux, une enceinte fiscale qui ceinture la capitale. Une trace en subsiste à proximité du 10e, avec la rotonde de la Villette, ancienne "barrière Saint-Martin".

En pleine transformation

Au début de la Révolution, Paris est divisé en sections : l'actuel 10e arrondissement correspond aux sections Poissonnière, Faubourg Saint-Denis et Bondy. Ce sont des sections populaires, habitées par des Parisiens plutôt modestes, qui soutiennent la Révolution.
Dès les premières années, l'enclos Saint-Lazare est pillé dès le 13 juillet 1789 pour ses importantes réserves de blé, en août 1792, les Lazaristes sont chassés, et en janvier 1794, l'enclos devient une prison, la prison Saint-Lazare. Celle-ci accueillera de nombreux prisonniers célèbres sous la Terreur, comme le poète André Chénier, le peintre Hubert Robert ou encore le marquis de Sade. Elle ne fermera d'ailleurs que dans les années 1920, pour être transformée en hôpital.
En 1795, Paris est redécoupé en 12 arrondissements, mais la numérotation ne correspond pas encore à celle d'aujourd'hui. Notre 10e arrondissement est à l'époque constitué du Nord des 3e et 5e arrondissements.
Face à la croissance de Paris, notre arrondissement va alors connaître un apport majeur. En effet, en 1802, sous le Consulat, pour éviter de nouvelles épidémies (dysenterie, choléra), Napoléon Bonaparte décide de remédier au mauvais approvisionnement en eau potable des Parisiens. Gaspard de Chabrol, le préfet de la ville de Paris, présente alors un projet de canalisation de l'Ourcq (qui prend sa source à une centaine de kilomètres au Nord-Est de Paris).
La création du canal Saint-Martin est décidée par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802), avec celle des canaux Saint-Denis et de l'Ourcq. Cependant, les guerres napoléoniennes freinent la construction des canaux. Il est relancé en 1822, mais la première pierre n'est finalement posée qu'en novembre 1825.
Ce canal n'est pas qu'un moyen d'apporter de l'eau potable aux Parisiens. La circulation y est intense : la ville s'y approvisionne en alimentation et en matériaux de construction. Jusqu'au début du XXe siècle, le nombre de péniches est important.
Crédit photo : Mairie de Paris / Service des canaux / C. Patient
La Restauration voit aussi la création de l'actuelle place Franz Liszt (place Charles X, 1822-1825), et le percement des rues de Chabrol (1822) et La Fayette (1823), ainsi que la construction de l'église Saint-Vincent-de-Paul (1824). Le territoire s'urbanise de plus en plus, notamment au Nord.
À partir de 1852, Napoléon III et le préfet Haussmann entament de vastes travaux de réaménagement de Paris. Parmi les importantes percées haussmanniennes dans l'actuel 10e arrondissement, on trouve le boulevard de Strasbourg (1852) et le boulevard de Magenta (boulevard du Nord, 1855), mais aussi la création de la caserne Vérines (caserne du Prince Eugène, 1855), à l'origine de la future place de la République, ou encore de la gare de l'Est (gare de Strasbourg, 1849-1850), et de la nouvelle gare du Nord (1861-1866). D'autres travaux importants sont réalisés, comme la construction du nouvel hôpital Lariboisière (1854), ou encore la reconstruction de la façade de l'église Saint-Laurent (1863-1867).
Finalement, après ces grands travaux, entre 1859 et 1860, une loi bouleverse les limites des anciens arrondissements. Paris est redécoupé en 20 arrondissements, ceux que nous connaissons toujours.

Les travaux du Second Empire sont poursuivis par la République :
  • réaménagement de la place de la République dans les années 1880 (et son monument à la République par les frères Morice) ;
  • constructions de la Bourse du Travail de Paris (1892) ;
  • création de la ligne 2 du métro, et ses viaducs (1900-1903).
De son côté, l'essor des chemins de fer métamorphose aussi l’arrondissement. À proximité des gares s’implantent des dépôts de cristal (Baccarat, Saint-Louis), des dépôts de faïence (Boulanger, Union Faïencière), ainsi que des dépôts de porcelaine. Toute cette effervescence conduit également à une importante activité syndicale : autour de la Bourse du Travail, ainsi que dans le quartier de la Grange-aux-Belles.

Le 10e hier et aujourd'hui

De cette longue histoire, le 10e a hérité beaucoup de ses caractéristiques actuelles :
  • un arrondissement très tôt marqué par la présence des hôpitaux, une vocation qui s'est maintenue depuis le Moyen-Âge jusqu'à nos jours avec Saint-Louis, Lariboisière et Fernand Widal ;
  • un arrondissement animé, avec ses théâtres installés le long des Grands Boulevards, une tradition née dès le XVIIIe siècle ;
  • un arrondissement à l'allure industrieuse depuis la création du canal et l'essor des chemins de fer au XIXe siècle, qui reste une des plus grandes portes sur Paris avec les gares du Nord et de l'Est.

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