Visite de chantier : la Mairie comme vous ne l'avez jamais vue

Reportage

Mise à jour le 17/09/2020

Sommaire

À l'approche de la fin du chantier de restauration de la façade principale de la Mairie et à l'occasion des Journées du Patrimoine, on vous propose de découvrir ce joyau du 10e comme vous ne l'avez jamais vu ! Un moyen également de saluer le travail de la cinquantaine d'ouvriers spécialisés et d'artisans d'art qui œuvrent depuis l'hiver 2019 sur ce chantier d'exception, permettant de rendre toute sa splendeur à ce petit palais de la République.

Un peu d'histoire

La Mairie avant la Mairie

La Mairie de l'ancien 5e arrondissement (avant 1860) a toujours été abritée dans des bâtiments de dimension et d'apparence plutôt modestes. Quand en 1849 elle s'installe à l'adresse actuelle, sur le faubourg Saint-Martin, elle est alors logée dans une ancienne caserne de la garde municipale.
Très vite, le conseil municipal se sent à l'étroit dans ce bâtiment vétuste et exigu, où les fonctionnaires et les habitants se bousculent. Quand en 1860, Paris est redécoupé et que le 10e prend sa forme actuelle, le relogement de la municipalité dans un bâtiment à l'allure plus imposante et monumentale devient une priorité.

Un petit palais de la République

En 1889, l’architecte Eugène Rouyer est désigné à l'unanimité du jury de sélection. Son projet s'inspire de la Renaissance française (lanternon, clochetons, hautes cheminées, sculptures, fenêtres à meneaux, ardoises…) qui, à l'époque, fait référence parce qu'elle évoque une période de lumières, d'humanisme et de tolérance.

Cette surenchère trouve aussi son origine dans le parcours d'Eugène Rouyer. Lorsque, après les incendies de la Commune de Paris en 1871, il fallut reconstruire l'Hôtel de Ville, celui-ci avait porté sa candidature, mais était arrivé deuxième lors du concours. La Mairie du 10e sera pour lui, en quelque sorte, un lot de consolation, et il réutilise certains des plans qu'il avait destinés à l'Hôtel de Ville.
Enfin, une autre explication à ce déploiement décoratif est à chercher dans l'histoire politique de l'époque. Dans les années 1890, la République est encore jeune : elle n'a été proclamée qu'une vingtaine d'année plus tôt, dans le contexte difficile de la déroute face à l'Allemagne. Il s'agit donc de manifester la stabilité du régime.

1891-1896 : un chantier d'ampleur

La première pierre est posée par le désormais célèbre préfet de la Seine, Eugène Poubelle, à l'automne 1891. Dès mars 1893, l'aile sud (le long de la rue du Château d'Eau) est livrée. Suivent ensuite la façade principale, puis les corps de bâtiment arrière, sur les rues Hittorf et Pierre Bullet.
À l'automne 1895, le lanternon central, qui culmine à 54 mètres, est terminé, et même si les décors ne sont pas encore finalisés (ils ne s'achèveront qu'au début du siècle), l'inauguration est précipitée par la Préfecture. La date retenue est le 28 février 1896, jour anniversaire de la révolution de 1848 : tout un symbole pour la jeune République.
Elle a lieu en présence du président de la République, Félix Faure (lequel était né à hauteur de l'actuel n°65 de la rue du faubourg Saint-Denis), au milieu d'une importante foule, et sous les drapeaux qui pavoisent le bâtiment et les rues alentour, au cours d'une cérémonie solennelle. Toutes les personnalités saluent l'œuvre de l'architecte, et font le rapprochement entre l'apparence de la nouvelle Mairie du 10e, celle de l'Hôtel de Ville, ou du château de Chambord.

Une mise en valeur du monument

Dégradation du bâtiment

Manque d'entretien, pluie, pollution… au cours du XXe siècle, le bâtiment se dégrade et ses façades s'encrassent. La dernière restauration de la Mairie date des années 1960 et, à l'époque, elle n'avait été que superficielle : il s'agissait surtout de redonner un peu de clarté aux monuments parisiens noircis.
Outre quelques travaux de maintenance, depuis plusieurs années, la priorité fut la mise en sécurité de la façade, par l'installation de filets de sécurité destinés à prévenir toute chute.

Un chantier d'exception…

Si la Mairie du 10e n'est pas classée, la qualité de ses décors justifie cependant que tous les ouvriers qui la restaurent soient issus d'entreprises spécialisées dans les travaux des Monuments historiques : tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs, marbriers, menuisiers, vitraillistes, ferronniers d'art, couvreurs, doreurs…
Outre le nettoyage des façades, il a fallu remplacer environ 30 m3 de pierres de taille. Côté décors, neuf des mascarons (ces petits visages qui ornent les corniches), trop abîmés, ont dû être restitués à l'identique. Sculptures et bas-reliefs ont également dû être restaurés avec soin, tout comme les plaques de marbre placées au-dessus des portes et fenêtres.
À cela, il faut encore ajouter les menuiseries et les vitraux de la salle des mariages, les gouttières, la couverture en zinc de chaque élément d'architecture qui pourrait subir les dégradations du temps, la restitution de la girouette en forme de nef parisienne, ou encore la restauration de l'horloge.
Enfin, le manque de recul ne permettant pas de prendre la mesure du bâtiment, il a été décidé d'attirer les regards vers le haut de l'édifice. Ainsi, les trois cloches du carillon ont été raccordées à l'horloge centrale. Et pour mieux admirer la Mairie, même de nuit, une mise en lumière est bien sûr prévue.

… qui demande du temps

Naturellement, un tel chantier demande du temps : à titre d'exemple, la simple dorure des lettres figurant sur une plaque de marbre (en tout, on en compte quinze), demande une à deux journées de travail.
Si la façade principale, par la richesse de ses décors, constituait le défi principal de ce chantier, celui-ci doit désormais se poursuivre sur la façade sud, avant de se conclure sur les façades arrières, le long des rues Hittorf et Pierre Bullet.
En raison de la période de confinement, du retard a bien sûr été accumulé. Depuis cet été, l'échafaudage le long de la rue du faubourg Saint-Martin a commencé à être retiré, et les parties hautes de la Mairie réapparaissent. Il sera entièrement démonté dans le courant des prochaines semaines, à mesure que s'élève celui de la rue du Château d'Eau.
Le saviez-vous ?

Les sculptures de la façade, achevées en 1906, représentent les principaux métiers que l'on trouvait alors dans le 10e : la parfumerie, le théâtre, la passementerie, la verrerie, la broderie, la céramique, l'orfèvrerie, ou encore les fleurs artificielles.
On trouve également une grande richesse de représentations allégoriques, d'animaux et de végétaux, ainsi qu'une multitude de symboles républicains et de la ville de Paris, comme le coq gaulois, la devise de la capitale (Fluctuat nec mergitur), ou encore cette maxime que l'on doit à Charles Quint : Lutetia non urbs, sed orbis (Paris n'est pas une ville, mais un monde).