Arletty : 30 ans après sa disparition, le canal porte sa mémoire

Focus

Mise à jour le 15/09/2022

Trente ans après sa disparition, Arletty donne son nom à une passerelle du canal Saint-Martin, tout près du fameux Hôtel du Nord.
Tout le monde sur le pont !
L'inauguration de la passerelle Arletty s'est tenue le jeudi 15 septembre 2022, à 14h30, en présence d'Alexandra Cordebard, Maire du 10e, de Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris chargée de la Mémoire, et d'Élie Joussellin, adjoint à la Maire du 10e délégué à la Mémoire.

Une passerelle emblématique

Au printemps 2022, les élus du 10e ont souhaité baptiser les passerelles du canal Saint-Martin. Tandis que leurs grands frères qui enjambent la Seine portent depuis longtemps des noms bien identifiés, ces passerelles non moins emblématiques de Paris n'étaient jusqu'alors désignées que par le nom des rues qui y conduisaient.
Pour rendre hommage à l'histoire théâtrale de l'arrondissement (qui compte encore de nos jours plus d'une douzaine de salles), autant qu'à la longue liste de films tournés sur les quais de Jemmapes et de Valmy, ce sont les noms de comédiennes qui seront attribués dans les années à venir à toutes les passerelles du 10e. Un moyen de rendre leur place aux femmes dans les dénominations de l'espace public (seuls 12% des lieux parisiens portent le nom d'une femme).
La première de ces comédiennes est donc Arletty. La célèbre gouailleuse parisienne et son inoubliable "gueule d'atmosphère", immortalisée par Marcel Carné dans "Hôtel du Nord" en 1938, a marqué l'histoire du canal Saint-Martin. Pourtant, le film n'a pas été tourné sur l'écluse des Récollets, mais dans les studios de Billancourt, où les abords du canal ont entièrement été recréés par le décorateur Alexandre Trauner.
Peu importe : depuis le succès du film, les quais, les ponts et les écluses restent associés à cette actrice majeure du cinéma des années d'avant-guerre.

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De Léonie Bathiat à Arletty

Fille d'un agent des tramways de Paris, Michel Bathiat, et d'une lingère, Marie Dautreix, Léonie Bathiat est née à Courbevoie en 1898. Ses études terminées, elle suit une formation de secrétaire et sténographe.
La Grande Guerre fauche son premier amour, qu'elle surnommait "Ciel" en raison de ses beaux yeux bleus. Dévastée par cette perte, et refusant de devenir veuve de guerre, elle décide qu'elle ne se mariera jamais. Nouveau drame en 1916 : son père meurt renversé par un tramway. Léonie et les siens sont alors expulsés du pavillon de fonctions qu'ils occupaient.
Quelque temps plus tard, elle rencontre un jeune banquier qui la présente au "Tout Paris" et lui fait découvrir le théâtre, les grands couturiers, les bons restaurants… Elle devient un temps mannequin et se choisit le pseudonyme "Arlette" (trouvé dans un roman de Maupassant), qui sera anglicisé en "Arletty". Du mannequinat aux revues, en passant par la chanson, Arletty traverse les années 20 et débute au cinéma et au théâtre en 1930.
On la voit dans "La douceur d'aimer" (René Hervil), dans "Un chien qui rapporte" (Jean Choux), dans les opérettes "Un soir de réveillon" (Raoul Moretti) et "Ô mon bel inconnu" (Reynaldo Hahn et Sacha Guitry), et la surtout l'adaptation de la pièce de Zola "Au bonheur des dames", aux côtés de Michel Simon, jouée près de 500 fois. Vient alors le rôle de Madame Raymonde dans "Hôtel du Nord", offert par Marcel Carné en 1938 : le succès est immense et Arletty entre dans la légende du Paris populaire grâce à sa gouaille inimitable et à son fameux énervement lorsque Louis Jouvet évoque son souhait de changer d'atmosphère.
La Seconde Guerre mondiale et l'occupation n'interrompent pas sa carrière : ainsi, son interprétation de Garance, dans "Les Enfants du paradis" (Marcel Carné), tourné en 1943 et sorti en 1945, est considéré comme l'apogée de son jeu. Mais c'est surtout son amour pour un officier allemand, Hans Jürgen Soehring, qui demeure controversé. Séparée de lui en 1949, elle poursuit sa carrière et retrouve les planches avec "Un tramway nommé désir" de Tennessee Williams. Dans les années 50, elle tourne encore une vingtaine de films, aux côtés notamment de Georges Marchal, Gina Lollobrigida, Michèle Morgan, ou encore Jean-Claude Brialy.
Atteinte d'un glaucome, elle perd partiellement la vue et disparaît de la scène et des écrans dans les années 60. Elle s'éteindra le 23 juillet 1992, à l'âge de 94 ans, dans son appartement parisien. C'était il y a tout juste 30 ans.

Sa voix traînante, son accent des faubourgs, sa répartie aussi ciselée sur scène qu’à la ville, ont fait d’elle l’une des plus célèbres actrices de l’époque. Arletty était une femme libre et fière, indépendante, un brin insolente, au regard plein de malice : une Madame Sans-Gêne plus vraie que nature, gracieuse lorsqu’elle prête ses traits à la belle Garance des Enfants du Paradis, toujours narquoise face aux hommes qu’elle séduit à l’écran, et même sauvage lorsqu’il s’agit de s’affirmer vis-à-vis d’eux.

Alexandra Cordebard
Maire du 10e

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