Pour les 100 ans qu'aurait eus Maria Casarès, un pont sur le canal

Focus

Mise à jour le 09/11/2022

Elle aurait eus 100 ans en ce mois de novembre 2022. La tragédienne franco-espagnole Maria Casarès (1922-1996) donne cette année son nom à un pont du canal Saint-Martin, tout près de la rue qui porte le nom de celui qui fut son compagnon : Albert Camus.
Tout le monde sur le pont !
L'inauguration du pont Maria Casarès s'est tenue le lundi 21 novembre 2022, en présence d'Alexandra Cordebard, Maire du 10e, de Laurence Patrice, adjointe à la Maire de Paris chargée de la Mémoire, et d'Élie Joussellin, adjoint à la Maire du 10e délégué à la Mémoire.

Les comédiennes à l'honneur

Au printemps 2022, les élus du 10e ont souhaité baptiser les passerelles du canal Saint-Martin. Tandis que leurs grands frères qui enjambent la Seine portent depuis longtemps des noms bien identifiés, ces passerelles non moins emblématiques de Paris n'étaient jusqu'alors désignées que par le nom des rues qui y conduisaient.
Pour rendre hommage à l'histoire théâtrale de l'arrondissement (qui compte plus d'une douzaine de salles), autant qu'à la longue liste de films tournés sur les quais de Jemmapes et de Valmy, ce sont les noms de comédiennes qui seront attribués dans les années à venir à toutes les passerelles du 10e. Un moyen de rendre leur place aux femmes dans les dénominations de l'espace public (seuls 12% des lieux parisiens portent le nom d'une femme).
Après Arletty qui a donné son nom à la passerelle située devant l'hôtel du Nord, c'est au tour de Maria Casarès de donner le sien au pont de la rue Eugène Varlin, près de la Grange-aux-Belles (et non loin de la rue Albert Camus). Considérée comme l'une des plus grandes tragédiennes de la seconde moitié du XXe siècle (elle marquera notamment les mémoires dans le rôle de Lady Macbeth), Maria Casarès fut, entre autres, l'une des premières participantes au festival d'Avignon. Une carrière qui méritait bien qu'on lui fasse un pont d'or !

Un pont entre l'Espagne et la France

Née le 21 novembre 1922 à La Corogne, en Galice, María Victoria Casares Pérez est la fille de Gloria Pérez et de Santiago Casares Quiroga, un avocat amoureux des lettres qui fut en 1936 un éphémère président du conseil de la Seconde République espagnole. Toute sa vie, Maria demeurera proche de l'Espagne républicaine.
Au début de la guerre d'Espagne, la famille fuit vers la France et s'installe à Paris, rue de Vaugirard, dans un hôtel aujourd'hui disparu, puis dans un appartement proche de l'impasse de l'Enfant Jésus, dans le 15e arrondissement. Maria entre à l'école Victor Duruy, où elle apprend le français et, grâce à sa rencontre avec l'acteur franco-espagnol Pierre Alcover, pensionnaire de la Comédie française, se tourne peu à peu vers le théâtre.
L'adolescente doit longtemps persévérer : elle fréquente le cours Simon, mais son accent espagnol lui est reproché lors de sa première tentative au concours d'entrée au conservatoire. À force de travail, elle intègre le prestigieux établissement.
Très vite remarquée, Maria Casarès obtient son premier rôle en 1942 au théâtre des Mathurins, et la même année pour un court-métrage : c'est le début d'une longue carrière, puisqu'elle jouera dans une vingtaine de films et surtout près de 120 pièces, aussi bien contemporaines (Camus, Garcia Lorca, Anouilh, Gracq, Colette, Sartre, Claudel, Genet, Saint John Perse, Brecht, Béjart…) que classiques (Shakespeare, Corneille, Molière, Racine, Marivaux, Hugo, Péguy, Dostoïevski…).
Au début des années 1950, elle est engagée comme pensionnaire de la Comédie française, où elle joue notamment sous la direction de Julien Bertheau, Jean Meyer ou encore Jacques Copeau. Elle intègre ensuite le Théâtre National Populaire de Jean Vilar, et devient ainsi l'une des premières comédiennes à donner au festival d'Avignon ses lettres de noblesse. Au cinéma, on retient surtout quatre rôles marquants : "Les Enfants du paradis" (Marcel Carné), "Les Dames du bois de Boulogne" (Robert Bresson), "La Chartreuse de Parme" (Christian-Jaque) et "Orphée" (Jean Cocteau).
La vie personnelle de Maria Casarès est marquée par sa rencontre, en mars 1944, avec Albert Camus, avec qui se noue très vite une relation passionnée. Mais la Libération, le retour d'Algérie de Francine Faure, l'épouse de Camus, la naissance de jumeaux, séparent l'écrivain de la comédienne. Ils se retrouvent par hasard en 1948 et entretiennent alors une liaison secrète qui ne prend fin qu'avec la mort accidentelle de Camus, en 1960. Pour lui, Maria est "l’Unique", tandis qu'Albert reste pour elle, par-delà la mort, le grand amour de sa vie. Leur correspondance, parue en 2017, témoigne de cette passion, et le pont Maria Casarès, tout proche de la rue Albert Camus, sera un nouveau symbole de ce couple mythique.
Après la mort d'Albert Camus, les amis de Maria Casarès tentent de la détourner de son profond chagrin. Elle épousera l'un de ces amis de longue date, André Schlesser, à l'été 1978. Atteinte par un cancer, Maria Casarès s'éteint le lendemain de son anniversaire, le 22 novembre 1996, dans sa propriété d'Alloue, en Charente. Elle repose à côté de son mari dans le cimetière de cette commune.

Se rappeler de Maria Casarès, c’est se rappeler d’une femme hiératique et presque intimidante tant elle était talentueuse, d’une femme vive et fougueuse, au regard d’aigle, à la silhouette énigmatique, à la beauté sculpturale et débordante d’une vigueur solaire. (…) Mais de cette actrice rare et fascinante, de cette tragédienne à la scène comme à la ville, je voudrais aujourd’hui surtout me rappeler une femme à l’exigence profonde, intense et immuable.

Alexandra Cordebard
Maire du 10e

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